Discours du 12 mars 2017 de Monsieur le Maire de la ville de CHARMES
Mesdames, Messieurs,
Tout d’abord merci de votre présence ce matin pour honorer la mémoire de nos habitants.
En 1914, la commune est occupée dès le 2 septembre par les allemands et certaines rues changent de dénomination.
Par exemple, la grande rue devient la « Kaiser Wilhem Strasse », la place où nous nous trouvons s’appelle « Hindenburg Platz »
Pour raccourcir le front, les allemands préparent au cœur de l’automne et de l’hiver 1916/1917, une ligne de repli appelée « ligne Hindenburg ».
Afin d’améliorer le ravitaillement de ses troupes, l’occupant prend, début mars 1916, des mesures afin d’organiser la mise en valeur des terres. Ordre est donné de retourner tous les jardins. Il est précisé que tout le monde doit être occupé de 6h00 du matin à 17h00 le soir heure française. Les personnes non occupées s’exposeront à être enrôlées dans les sections de travailleurs.
Cela montre bien avec quelle rigueur la Kommandantur traite les habitants de Charmes.
Les allemands imposent la déclaration de tous les objets en Mairie : les brouettes, les pièges à rats, les voitures à un ou deux chevaux, les harnais, …
Il est même demandé en 1916, la déclaration des plantes vertes en précisant que ces plantes serviraient à orner les tombes militaires.
Les offensives se succèdent, parmi les plus meurtrières celle lancée par les allemands contre Verdun le 21 février 1916 et la bataille engagée par Foch sur la Somme de juillet à septembre 1916. Les pertes sont énormes.
Hindenburg et Ludendorff préparent un repli, mais avant d’effectuer ce repli, un système de défense est réalisé pendant l’automne et l’hiver 1916/1917.
Des blockhaus seront construits sur la commune, route de Bertaucourt, rue de La Fère et rue Paul Doumer. L’histoire raconte qu’ils ont été érigés avec du ciment anglais, parvenu en Allemagne par la Hollande, pays neutre.
Dans la semaine qui précède leur repli, les allemands évacuent la population et procèdent à de lourdes destructions, par exemple sur Tergnier et dans toute la région. La Fère est évacuée les 10 et 11 mars 1917.
Le 12 mars 1917, les habitants de Charmes sont réunis sur cette même place pour un dernier appel. Ils ne peuvent emporter que 30 kg de bagages par personne.
En gare de La Fère, les habitants sont répartis dans des wagons à bestiaux pour entreprendre un voyage dont ils ne connaissent pas la destination.
C’est en Belgique, dans la vallée de la Moselle qu’ils échouent, entre Dinant et Namur. Les villes d’Anhée, Warnant et Yvoir accueillent notre population.
Alors que la plupart des hommes sont mobilisés, les autres valides de 15 à 55 ans sont contraints au travail forcé. Ce sont les personnes inaptes : femmes, enfants, malades et vieillards qui sont évacués.
Les prêtres et notables (maires, médecins, instituteurs…) sont autorisés à partir pour assurer sur place leur encadrement et l’éducation des enfants.
Les civils sont répartis dans différentes communes selon instructions de l’armée allemande. A leur arrivée, ils sont accueillis par un Comité Local de Secours, puis recensés et reçoivent les documents nécessaires pour leur prise en charge alimentaire. Des listes sont établies par le Comité d’Accueil et remis à l’Autorité Allemande.
Les évacués subissent des examens médicaux pratiqués par les Médecins de la Croix Rouge, afin d’éviter la propagation de maladies parmi la population Belge.
Les évacués élisent un délégué qui fera le lien entre la kommandantur la plus proche, l’autorité locale belge et le Comité local de Secours.
Trouver un logement pour chaque réfugié reste une tâche extrêmement complexe. Ils sont logés dans des locaux communaux, des maisons vides ou dans des familles belges, tout en respectant des règles d’hygiène et de décence.
Les refugiés sont placés, dans la mesure du possible, en fonction des préférences des habitants de la localité, des places disponibles, en fonction de la composition de la famille, de leur genre de vie, de leur moralité et des affinités d’éducation et de conditions sociales (exemple : les malades, vieillards et enfants orphelins seront plutôt placés dans des communautés religieuses).
Chaque famille belge a quasiment l’obligation d’accueillir des réfugiés, surtout les familles aisées et les fermiers, qui doivent montrer l’exemple. Si un habitant refuse d’héberger des réfugiés, la kommandantur lui inflige alors la sanction d’en héberger deux à trois fois plus que prévu.
Les propriétaires des maisons vides ne sont pas indemnisés et, s’ils refusent de mettre à disposition leurs maisons, ils sont tenus de verser des compensations financières aux comités d’accueil.
La plus grande des préoccupations demeure le ravitaillement et certains ne retiendront de leur exil que la faim et le manque de nourriture. On reprochera souvent aux réfugiés, selon le terme attitré, de n’être que « des bouches inutiles ».
Les réfugiés bénéficient de secours tels que : secours alimentaire, œuvre à l’enfance, repas scolaire, assistance médicale, vêtements, charbon … sauf le chômage. Ils se ravitaillent auprès des organismes de secours. Certains pourront cultiver leurs propres denrées sur des petits lopins de terre. Ils doivent faire face à la fraude et au marché noir.
Les réfugiés subiront des maladies et des épidémies (tuberculose et grippe espagnole). Certains reviendront se faire soigner en France via la Suisse, par l’intermédiaire de la Croix Rouge.Les enfants étant la majeure partie des évacués, feront l’objet d’une attention particulière. L’école sera obligatoire de 6 à 14 ans sous peine de suppression des secours alloués aux parents. Les cours seront dispensés dans les classes avec les enfants belges. Les autorités feront appel aux enseignants évacués diplômés, de manière bénévole.
Les réfugiés valides auront des difficultés à trouver du travail, puisqu’il en manque déjà pour les Belges. Ils se rendront utiles dans les Comités de Secours ou dans les fermes ou, selon leurs compétences, dans les hospices, les hôpitaux et les écoles. Ils de recevront pas de saaire mais des gratifications leur permettant d’améliorer l’ordinaire.
La cohabitation entre Français et Belges se déroulera relativement bien, malgré l’exiguïté, le manque d’intimité et les réquisitions permanentes. Les mésententes ne restent que des exceptions.
Ce sont Messieurs Xavier BAUCHAU, industriel d’Anhée dans les Moulins, Frédéric de ROSEE, industriel de Warnant dans le cuivre et Adolphe DAPSENS d’Yvoir. Ces trois notables habitent des châteaux et une partie des réfugiés ont pu y résider.
Le Maire de Charmes, Alexandre PRETET, un ingénieur de Maguin Joseph DUGE et un comptable Monsieur BEAUVAIS ont été très impliqués dans les actes d’Etat Civil puisqu’ils faisaient partie de l’évacuation.
Les actes s’étalent de mai 1917 à novembre 1918. Il est probable qu’une partie de la population soit restée sur place, s’est mariée durant cette période, d’autres sont rentrés à Charmes.
Lorsqu’on consulte les registres de délibération du 20 février 1917 au 2 mars 1919, aucune délibération n’a té enregistrée.
CE n’est que le 13 octobre 1918 que Charmes est libérée par la première armée française de DÉBENEY.
La guerre étant terminée, il faut reconstruire. Le plan d’urbanisation du 4 novembre 1922 nomme la rue passant devant l’église « rue des Bourgmestres d’Anhée, Warnant et Yvoir » en témoignage de la gratitude envers ces trois communes belges qui ont hébergé les réfugiés charmois.
C’est au cours de la 6ème délibération du 28 novembre 1920 que, sur proposition de Monsieur LEROUX, le conseil municipal décide qu’une plaque commémorative rappelant la date et les circonstances pénibles de l’évacuation de la commune le 12 mars 1917, sera placée sur la façade du groupe scolaire. Monsieur Armand BAUCHOT, bourgmestre d’Anhée, sera invité à la cérémonie d’inauguration.En ce jour de commémoration de ce déplacement de nos habitants et au-delà de cette lointaine époque tragique, souvenons-nous des sacrifices endurés par nos populations.
C’est à nous, ensemble, de faire vivre l’esprit de toutes réconciliations, de toutes les fraternités et de toutes les écoutes que nous avons hérité de nos héros épris de paix, de liberté et de fraternité, ces valeurs communes universelles.Soyons dignes des sacrifices consentis par nos combattants de la grande guerre de 1914/1918 et de leur dévouement sans faille.
Que le souvenir de leurs sacrifices renforce notre détermination à œuvrer inlassablement pour la paix.
Merci de votre attention.